dimanche 27 mai 2012

Fleurs de rocaille de Caron, 1934.





Un foulard de soie qui glisse sur la peau en crissant, des bulles de champagne et éclats de rire de pompettes, une poudre libre et houppette blanche, des escarpins à pompons et surtout la sensation presque électrique d'une main gantée se faufilant sous la robe taffetas en imprimé à petites fleurs qui discrètement remonte un bas de soie glissant. 
C'est Fleurs de rocaille, avec un S, un bouquet fleuri joliment désuet qui s'ouvre sur une volée d'aldéhydes pétillants et relativement discrets. Et c'est avant tout ce cœur splendide, tout en élégance et sans faux-pli, mêlant  le duo classique rose violette  rafraichi ici par les notes vertes d'un lilas éthéré et probablement un muguet timide, à l'ylang et au jasmin et surtout un œillet crémeux à souhait tout aussi typique de l'époque, le tout se fondant admirablement pour donner une impression de densité aérienne d'une absolue délicatesse. 
Ce bouquet magistral est solidement ancré sur un fond poudré ambré sec d'iris, de santal pour une touche boisée, et de musc légèrement animal et savonneux. On décèle la fameuse caronnade à ses accents ambrés miel et musc. J'y sens également une trace de narcisse et sa pointe foin qui assèche la composition. Jusqu'au bout, grâce et bonne tenue, élégance et légèreté sont de mise. Lumineux, un peu pastel, printanier ensoleillé, toujours léger ces Fleurs de rocaille nous emportent et c'est grisant. 




En 1934, Ernest Daltroff, le grand manitou des parfums Caron avec sa complice Félicie Wanpouille avait déjà bon nombre de chefs d’œuvres au catalogue. Caron était alors une grande maison, accumulant les succès, dans le désordre: Narcisse noir, Nuit de Noël, Tabac blond, Bellodgia avaient déjà vu le jour. Fleurs de rocaille était promis au même destin: entrer dans l'histoire et devenir un mythe. 
Romantique et cristallin, plus jeune fille que grande dame il vibre joyeusement et irradie de jeunesse et d'insouciance parmi les ainés aldéhydés floraux plus matures et habillés, le N°5 de Chanel en tête.
Un de mes Caron préférés, accusant sans doute un peu son age  dans la manière et les matières utilisées, mais d'une maestria confondante. La version actuelle que je n'ai pas re-senti est forcément bien éloignée de l'extrait vintage que j'ai pu tester récemment, l'eau de toilette perd en naturel et gagne en savon même si  la magie demeure. Mais vraiment c'est en extrait qu'il faut sentir cette petite merveille.
Il a brièvement disparu pour être ré-édité en 2006 avant d'être définitivement abimé aux dires de celles qui ont eut la chance et l'audace de le porter. 


Photo: Audrey Hepburn photographiée par Howell Conant. 

4 commentaires:

  1. Hello,

    Je n'ai senti que l'Eau de toilette - et autrefois une autre version mais la mémoire me fait défaut - en effet l'aspect savon est indéniable. Quant à l'extrait, j'espère que j'aurai l'occasion de le découvrir tant l'évocation que vous en faites donne envie !

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    1. J'adore cet effet savon des grands anciens, plus exactement l'odeur du savon croupi. Dans le genre mon "savon" préféré est My sin.
      Mais peut-être qu'ils évoquent le savon pour nous parce que comme bien souvent, les matières sans doute nouvelles à l'époque, ont été ensuite beaucoup utilisées par la parfumerie fonctionnelle (cf le muguet passé aux toilettes...

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    2. Je lis ce post, et une réminiscence s'engouffre dans mes narines.J'avais 12 ans, et me rendais au cinéma de mon quartier.Je croise une vieille dame, très coquette, aux mains ornées de dorures plus massives les unes que les autres.Un rouge à lèvres orangé, une peau tannée, mais je ne retiens surtout que son odeur.Son sillage embaumait cette petite rue humide et fraiche où le soleil ne se glisse jamais.Du haut de mon jeune âge, j’interpelle cette dame, et lui demande ce qu'elle porte.Elle me répond: "Fleurs de rocaille de caron, vous savez caron comme la nageuse..." Satisfaite de ma réponse, j'ai gardé ce sillage délicieux toute la journée, et me suis empressée d'aller découvrir cette fragrance en parfumerie.J'ai 33 ans, et ce souvenir n'a pas pris une ride.Un délicieux moment, oui délicieux, car pour moi ce parfum est synonyme de fraicheur, de joie.Il pétille, tout comme pétillait cette élégante dame.

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    3. Emilie, merci pour cette belle histoire! Nos souvenirs d'enfance et nos rencontre avec le parfum sont gravées à jamais dans notre mémoire olfactive et tellement en lien avec nos émotions.
      Et c'est tout à fait ça, il pétille ce Fleurs de rocaille.

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